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2.2 La culture Yoruba

2.2.1 Le peuple Yoruba

Les Yorubas sont un peuple d'Afrique dont la répartition géographique correspond à l'actuel Bénin et au Sud ouest du Nigéria. Ce peuple s'identifie par leur langue commune qui est le Yoruba. Ils appartiennent à un groupe plus large appelé Kwa. Affaiblis par les guerres qu'ils engendraient à leur frontières, beaucoup de Yorubas furent capturés puis revendus pour la traite des esclaves au 19ème siècle. Ils furent importés massivement à Cuba (seconde population après les Bantous cf Tab. 1.1), mais également au Brésil(etat de Bahia). Ils étaient appelés Lucumí à Cuba, ce qui veut dire "Mon ami" en yoruba, et aussi Nago ou Anango. Les principales ethnies, ou sous-groupes Yoruba, emmenées à Cuba étaient les Ketus, Ijesha, Egbado, Oyo et Nago. Les Yorubas ou Lucumis amenèrent les pratiques propres à leur religion qui furent appelés à Cuba Santeria ou Régla de Ocha.

Bien qu'il y ait plus de Bantous que de Yorubas, la religion de ces derniers devient la plus pratiquée à Cuba, en partie à cause de leur facilité d'adaptation aux autres rites, comme la Régla Ararà, mais aussi parce qu'elle pouvait se pratiquer en parallèle avec d'autres traditions comme le Palo Monte, le Catholicisme, le spiritisme et la société secrète Abakwa.

2.2.1.0.1 Les Iyesás

Les Iyesás (ou Ijeshas) étaient un sous-groupe des Yorubas venant du sud-ouest du Nigéria. Leur musique est aujourd'hui appelée Iyesá. Les percussions Iyesás sont jouées avec des bâtons, en général en groupe de trois, avec une quatrième percussion qui se rajoute lors de certains toques (cérémonies). Les combinaisons rythmiques sont plus unifiées que lors des conversations entre tambours Batás. L'agogo, ou cloche de danse, intervient pour accompagner les percussions. Le dernier Cabildo Iyesá à Cuba se trouve aujourd'hui à Matanzas, il fut fondé en 1854 sous le nom de "San Juan Batista".

2.2.1.0.2 Les Ketus

Les Ketus étaient un autre sous-groupe, venant d'un royaume Yoruba de l'ouest situé à la frontière actuelle du Nigéria et du Bénin. Beaucoup de Ketus se retrouvèrent au Brésil, particulièrement dans la région de Salvador de Bahia. La religion "candomblé" provient de leur culture.

2.2.2 Quelques fêtes profanes Yoruba

2.2.2.0.1 Les Bembés

Les Bembés, sont des fêtes populaires de divertissements profanes qui se jouent avec trois tambours de tailles différentes, les congas par exemple. L'ensemble rythmique est également accompagné d'un Shekere et d'une Guataca. On retrouve ce type de cérémonie dans les régions rurales de Cuba. Elles sont associées à la culture Yoruba, bien que le terme Bembé, désigne une ethnie Africaine de la région du Lac Tanganyika à la frontière de la Zambie. La pratique de la santéria et des batas ayant été interdite, c'est le rythme du Bembé et ses tambours qui furent utilisés pour invoquer les Orishas . Comme pour beaucoup de styles cubains, le terme Bembé désigne également un rythme. Celui-ci peut se jouer pour chacun des Orishas (contrairement à ce que nous verrons pour les teambours Batas). - la Guataca joue en 6/8 un pattern aussi appelé la Clave du Bembé - Le Quinto marque la pulse avec une tonique sur le temps et un slap sur la deuxième croche en levée. - Le Tres joue une sorte de Marcha en 6/8 qui maintient le groove. - La Tumba improvise et revient au pattern de base. - Le Shekere ou Guiro joue le pattern type dans un mouvement alternatif, la droite accentue les coups de basse avec la paume sur le fond de la courge et joue les autres coups avec les doigts utilisant les mêmes mouvement que dans la Marcha.

2.2.2.0.2 Les Toque de Guïro

Les Toque de Guïro Parent du Bembé, le Toque de Guiro joue des parties similaires aux trois tambours du Bembé, mais adaptés aux Shekere. La Guataca, maintient le même pattern que dans le Bembé. L'improvisation se fait sur un seul tambour basse ou Caja. Comme le Bembe il accompagne les Cantos de Orishas.


2.2.3 La Santeria ou Régla de Ocha

2.2.3.1 La Santeria

La Santeria est une religion qui prit naissance à Cuba. Elle fut inventée par les ethnies yorubas esclaves, car celles-ci n'avaient pas le droit de pratiquer leur anciennes religions d'Afrique. Le nom Santeria vient du fait que se sont les saints (Santos) qui sont vénérés. Face aux autorités espagnoles qui voulaient convertir les africains au christianisme, qui interdisaient l'utilisation de tambours, de peur que cela favorisent les rebellions, le peuple Yoruba dû résister. Ils fondèrent alors des sociétés appelées Cabildos (Cabildos de nación). Chacune d'elles était centrée autours d'un Parrain ou d'une Marraine chez qui tout les membres se réunissaient, pour s'entraider et préserver leur racines culturelles et religieuses. En effet, dans le culte yoruba, le Cabildo se superpose quasiment au lieu de pratique du culte, conjointement aux "maisons de Saints", qui peuvent être des endroits séparés privés. Les fêtes dans la Santeria servent à exprimer la gratitude ou le mécontentement envers l'un ou l'autre des dieux. Le culte est basé sur l'adoration de dieux (les Orishas) qui sont la transposition des divinités africaines Yoruba en saints de la religion catholique, donnant lieu à un syncrétisme culturel très important. Les Yorubas croient que lorsqu'ils meurent ils entrent dans le royaume de leurs ancêtres d'où ils ont toujours une influence sur le monde des vivants. Chaque année un sacrifice rituel est effectué pour rendre hommage à tous les défins de sa famille.

2.2.3.1.1 Le rôle des tambours Batas

Nous recommandons de lire la partie 3.1.3 pour plus de détails sur l'instrument batá. Au nombre de trois, les tambours Batás étaient considérés comme sacrés. Ils reproduisaient les changement de rythme et de tonalité du language Yorua. Pour les Yorubas, les Orishas vivaient dans les tambours. Le joueur de Baá, l'Olubatá, invitait le dieu à se réveiller et à posséder les personnes présentes à la cérémonies en jouant des rythmes spécifiques. De plus, même si l'improvisation est autorisée, l'Olubatá ne peut pas jouer tout les rythmes, il doit se restreindre à certains Toque, car chaque Batá est baptisé dès sa création.
\includegraphics[width=0.8cm]{citationa.eps} Il y a certains rythmes que tu ne joueras pas en dehors de la cérémonies. Certains peuvent être joué, mais il y a certaines divinités auxsquelles tu n'as pas intérêt à avoir affaire  
 
Milton Cardona
\includegraphics[width=0.8cm]{citationb.eps}

2.2.3.2 Les dieux Yorubas

Le panthéon Yoruba et sa mythologie ont été comparés à ceux de l'ancienne Grèce. Les dieux Yorubas ont des caractéristiques humaines comme le vice et la vertu. Dans les mythes, on raconte les faits, les aventures et la vie de ces dieux, que l'on vénère ou critique, pour plus tard les évoquer dans les rythmes, les danses et les chants. Le tableau 2.2 donne un aperçu des principaux Orishas. Ils sont plus de 400 en Afrique, une quarantaine à Cuba. L'orthographe des noms de divinités peut varier. A chaque dieu correpond des couleurs, des danses et des rythmes différents. La religion des Yoruba est dominée par un Dieu suprême : Olodumare (ou Olafin ou Olorun), source de l'ashé - l'énergie spirituelle, la force, la source vitale de l'Univers - qui a envoyé sur Terre des émissaires, demi-dieux humains, les Orishas qui sont la personnification de la Nature.


Tableau 2.2: Les principaux dieux Yorubas
Obatalà Envoyé par Olodumare pour créer la terre et sculpter l'homme, il personifie la paix. Saint : Notre Dame des Grâces. Sa couleur : le blanc. Sa femme est Yemayà.
Yemaya Divinité de la maternité universelle et de la vie. Ses attributs sont un Abebe fait de plumes de paon, le soleil,une ancre, etc. C'est la maîtresse de l'eau salée(à Haïti, elle est une sirène). Ses danses sont douces, imitant les vagues. On la rattache à "la Vierge de Regla", patronne de La Havane. On l'habille avec une robe bleue ornée de sept bandes blanches disposées de différentes façons géométriques. Elle porte aussi sept bracelets en argent. Correspond à la Sainte Vierge de la Regla, patronne de Cuba. Sa couleur : bleu. Elle est la mère de nombreuses divinités comme : Oggun, chango, Oshun, Obba, BabaluAyé... Sa fête est le 7 Septembre.
Elegguá Divinité des chemins, patron des croisements et gardien des portes entre les mondes materiels et spirituels. Toutes les cérémonies ou fêtes de Santeria commencent et se terminent par des chants, rythmes et danses pour Elegguá. Il danse avec son attribut, qui est entre autres, le Garabato. C'est un objet ressemblant à un crochet ou à une branche crochue, avec lequel il fait semblant d'ouvrir les chemins des hommes. Ses couleurs sont le rouge et le noir, couleurs de son costume et il porte un chapeau de paille. Il peut danser sur un seul pied et en reculant. C'est le plus terrible des dieux car il détient la clé du destin. On le rattache à Saint Antoine de Padoue.
Oggun Maître des métaux, de la sagesse, de la guerre, de la montagne et des instruments de labourage. Dans toutes les cérémonies, il vient juste après Elegguá. Il danse avec son attribut, la machette, et exprime le travail ou la guerre. Sa couleur est le violet mais on le voit aussi avec du noir et du vert. On l'habille avec un Mariwo (jupe faite de feuille de palmier). Il correspond à Saint-Pierre, Saint-paul, ou Saint-Jean-Baptiste.
Ochossi Avec Elegua et Oggun, ils forment la trilogie des Dieux guerriers du panthéon Yoruba. C'est le Dieu de la chasse et de la médecine. On le rattache souvent à Saint Norbert. Il danse en mimant son attribut, un arc et une flèche, en croisant les index. Ses couleurs sont le vert et le noir.
Changò Personifie la danse, la lumière, le feu, le tonnerre, la guerre et les tambours. Il correspond à Santa Barbara. Ses couleurs sont le rouge et blanc. Sa fête est le 4 Décembre
Oshun Maîtresse du fleuve et de l'amour, de la maternité, de la féminité, de la beauté, de la richesse, du miel et de l'or. Ses attributs sont un abebe (éventail) orné de perles jaunes, un miroir, les coraux, etc. On la rattache à la vierge "la caridad del Cobre". Sa couleur est le jaune, son métal l'or. Sa fête estle 8 Septembre
Obba Elle Personifie le vent. Ex-femme de Changò. Elle correspond à Ste Thérèse. Ses couleurs sont le marron et le blanc.
BabaluAyé Divinité de la santé, des maladies ; correspond à St Lazarre ; sa fête est le 17 Décembre.
Oddua Divinité des morts et des esprits
Orula Divinité de l'avenir, et des prévisions. Ses couleurs : jaune et vert


2.2.3.3 Les rites et célébrations

2.2.3.3.1 Un Orisha pour chacun

Le personnage le plus important est le Babalao (ou babalawo). On le reconnaît par ces bracelets jaune et vert. Sa maison est appelée ilé-ocha ou maison temple. Il possède des reliques de chaque divinité chez lui, et il y accueille les croyants. C'est un conseiller et un expert en religion qui fait des oracles. En outre, chaque croyant (Santero ou Babalocha pour les hommes, Santera ou Iyalocha pour les femmes) est rattaché à un saint (Orisha) par le Babalao. Générallement, deux Orishas sont attribués, un caractère mâle et un caractère femelle. En effet, pour les Yorubas, nous descendons tous d'un homme et d'une femme donc chacun de nous est à la fois homme et femme. Le croyant est alors censé les vénérer en particulier, les honorer dans sa propre maison danser pour et avec eux, et porter des colliers à leurs couleurs. La motivation de ces danses est de glorifier les Orishas ou de les attirer afin qu'ils prennent possession d'un de leurs fils (initiés) pour communiquer avec les hommes. Ce phénomène de possession s'appelle la transe (subirse ou montarse el santo).

2.2.3.3.2 L'initiation

L'entrée dans la Santeria se fait à travers un long processus d'initiation durant lequel l'Orisha "monte à la tête" de l'Iyawo, l'initié. Il existe de nombreuses "contraintes" pour être initié à la Santeria : l'initié doit s'habiller avec des vêtements blancs immaculés, ne pas serrer la main des autres, ne pas boire d'alcool, ne pas fumer. Comme dans d'autres religions Africaines, la musique joue un rôle important et amène l'Orisha à danser au travers de la tête de l'initié, ainsi que dans la croyance et la réalisation des rituels. Les instruments sacrés pour les Lucumis sont les trois tambours Batàs. Habituellement les percussions accompagnent les chants et les danses.

2.2.3.3.3 Les Wemilere

Au cours de ces cérémonies, les personnages les plus importants sont les joueurs de Batàs (Olubatà) et le chanteur soliste (Akpwon), auquel répond le choeur (Ankori).

2.2.4 Les danses

Il existe deux catégories de danses. Les indépendantes, où les danseurs groupés face aux tambours dansent de façon introvertie et sans relation entre eux. Les danses collectives (Aro de Yemaya) formant un cercle où l'on se déplace en sens contraire des aiguilles d'une montre. Les danses s'exécutent lors de présentation des initiés devant les tambours Batàs, pour l'anniversaire du jour de l'initiation. Les danseurs se placent par rapport aux tambours selon leurs niveaux dans la hiérarchie de la Santeria. Les danses de la Santeria sont sans doute les plus variées. Les mouvements les plus importants sont l'ondulation du dos qui se transmet aux bras et jusqu'aux doigts. Apparente monotonie des pas qui cache une vraie richesse des mouvements.








Emmanuel Branlard